Comme les crache-sang
Je les croise parfois sur les sentiers : avec leur allure dodelinante, leurs coussinets à l’extrémité de leurs longues pattes, leur marche lente, les Timarcha ou crache-sang me touchent par leur allure et j’ai pour eux une certaine tendresse. Et c’est bien leur propre sang qu’ils crachent par leur bouche ou leurs articulations pour se défendre, alors j’évite de les prendre dans les mains, ou très délicatement, et je les salue de loin.
La perte d’une partie de soi — même renouvelable — pour défendre son intégrité peut sembler paradoxale : et pourtant, combien nos défenses psychiques, présentes et effectives, ou à plus forte raison anachroniques, c’est-à-dire anciennes et qui ne nous sont plus utiles, nous coûtent-elles en énergie ?
Et lorsque notre psyché isole pour le protéger un “être de nous” à la suite d’une blessure ou d’un trauma (par exemple celui ou celle que nous étions à 20 ans lorsqu’il nous est arrivé tel événement), combien recouvrons-nous d’énergie à le rencontrer à nouveau, à ré-ouvrir le flux de la vie entre lui et nous ? C’est tout le projet de la maïeusthésie que de permettre de telles réintégrations afin d’être davantage “entièr·e”.
Photographie : Loïc Meunier, 2024, numérique