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Des élèves lèvent la main pour demander la parole face à un enseignant

Enseigner en collège

J’enseigne en collège depuis des années…

Bilan sur mon travail en collège et prospective pour la rentrée 2024

Durant des années j’ai reproduit sans remise en question la manière dont on m’avait enseigné en collège : quelque chose d’assez classique et frontal. Les élèves disposés frontalement, qui écoutent (plus ou moins) et interagissent en demandant la parole, avec une démarche scientifique cadrée (questions, hypothèses, recherche de réponses à partir de documents ou d’observations, conclusion, bilan écrit. Tout cela avec le même rythme pour tout le monde.

Quand j’ai commencé à m’intéresser à différents courants pédagogiques, j’ai réalisé que cette manière de faire était insatisfaisante tant pour les élèves que pour moi. J’ai aussi peu à peu perçu la violence subtile que comporte cette manière de faire en terme de directivité et de non-respect des rythmes propres : trop rapide pour les élèves les plus lent·es qui perdent pieds, trop lent pour les plus rapides qui s’ennuient, de moindre implication des élèves les moins scolaires, de motivation souvent extrinsèque, de manque de liberté et de créativité

Pour le relationnel et de la gestion de classe, j’ai peu à peu intégré les outils de Communication NonViolente à laquelle je me suis formé. C’est un long chemin, surtout face à un groupe, et je souhaite encore davantage m’y investir car je vois la marge de progression.

Avec une collègue nous avions mis en place des classes au fonctionnement “coopératif”. En suivant les conseils de Sylvain Connac et en s’inspirant parfois de Célestin Freinet : des plans de travail, une certaine autonomie avec de l’autocorrection, des codes couleurs associés à des fonctionnements de classe (temps de travail en autonomie avec entraide, explications et bilans avec questions-réponses, évaluation ou travail individuel en silence).

Je propose souvent rapidement une “météo des émotions” lors de l’appel de classe, sans prendre assez de temps malheureusement, ce qui est davantage possible dans les cercles de parole que j’anime, mais qui touchent peu d’élèves.

Mes objectifs pour cette année 2024-2025

Pour la forme et le contenu :

• Changer le plan de travail pour qu’il soit plus clair, avec une partie vocabulaire, un plan pour les bilans et un autre pour les activités, avec une partie de base, et une partie supplémentaire qui comprends des challenges et une “ludification” simple avec une émulation compétitive (records, niveaux de challenges).

• Remettre en place systématiquement les moments de travail en autonomie avec entraide comme base des progressions (je fonctionnais quelques années avec une heure élève de plus par semaine, et sans cette heure la méthode n’allait plus).

• Proposer systématiquement un plan de travail adapté pour les élèves en difficulté (différentiation).

• Mettre en place une évaluation par les pairs avec des élèves selectionné·es qui évaluent à l’oral les autres, avec des “diplômes” par thème, si possible à la demande quand ils et elles sont prêt·es.

• Mettre en place des tableaux de suivi pour moi et les classes.

• Faire venir ponctuellement en classe des élèves de niveaux supérieurs (au lieu qu’elles et ils restent en permanence) pour aider mes élèves dans les moments de travail en autonomie.

• Remettre en place la boîte à mots de classe avec (“je remercie”, “je suis content·e parce que…”, “je propose”).

• Tout cela en essayant de maintenir un cadre de travail agréable pour tout le monde, ce qui n’est pas toujours évident dans un groupe classe avec des enfants de cet âge.

Je souhaite par ailleurs développer les cercles de paroles en réfléchissant à une progression simple au cours de l’année, et continuer à participer aux entretiens dans de cadre de la lutte contre le harcèlement via la méthode de la préoccupation partagée du programme pHARe qui me semble assez juste.

Pour la posture et le relationnel :

• Questionner et travailler mes filtres et mes conceptions sur les élèves (cf. Marion Cuerq)

• Ancrer davantage ma pratique de la CNV en classe (en reprenant mes notes de la semaine de formation par Declic-CNV, “vivre la CNV dans sa classe”, et en lisant le livre récent sur “Développer les compétences psychosociales à l’école” et en relisant celui de M. Rosenberg).

• Explorer ce que la maïeusthésie, à laquelle je me suis formé récemment et qui m’a ouvert à de nouvelles prises de conscience, pourrait apporter dans ma posture, mon écoute et mes paroles, et dans ce que je souhaite transmettre ou faire découvrir aux élèves : il y a là un travail de conception, de mise en pratique, de réajustement et enfin de communication vers les personnes qui côtoient des enfants (parents, enseignants, AED, AESH…) et de la communautés maïeusthésique (voir le nouveau site internet à l’automne 2024, maieusthesie.org). Cette exploration nouvelle me motive, et je me réjouis d’y cheminer et d’y contribuer.

• Proposer un cercle de parole avec les collègues (enseignant.es). Je ne l’ai jamais fait, je ne sais pas si cela correspondrait à un besoin, pourtant quand j’écoute en salle des professeurs, je vois bien le bien que cela pourrait apporter.

Pour les évaluations et la “co-éducation” :

• Ne plus essayer (avec les collègues qui veulent) de simplifier et rendre cohérent les référentiels de compétences dans Pronote : au cours des années c’est devenu un grand bazar de compétences aux titres trop longs, parfois trop techniques, souvent redondant, chacun·e faisant sa cuisine dans son coin (y compris Pronote). Cela donne un aspect confus pour les élèves, les parents et les enseignants. C’est très dommage je trouve. J’ai déjà essayé, sans succès, et c’est devenu inextricable…

• Concentrer mes évaluations sur 5 compétences clés, valables quelle que soit la discipline enseignée, et fournir aux élèves un graphique de positionnement par trimestre (réalisé, non pas avec pronote, qui malheureusement n’a pas la souplesses nécessaire, mais grâce à un code python codé avec efficacité par mon fils aîné, merci à lui !) :

  • Respect (des autres, des règles de travail en classe…)
  • Investissement (travail en classe et à la maison, efforts, participation, contributions, aide, initiatives…)
  • Efficacité (rapidité de mise aux travail, capacité d’attention soutenue…)
  • Application (tenue du cahier, organisation…)
  • Niveau dans la discipline (connaissances et raisonnements)

• Fournir une aide sous forme d’un guide pour aider les parents à suivre et aider leur enfants dans la matière.

Difficultés et écueils

• Cette manière d’enseigner demande davantage de préparation en amont, avec de l’avance et une vision d’ensemble. (Je précise que si j’ai autant d’objectifs, c’est que je n’ai qu’un seul niveau cette année (sixième), étant à temps partiel en partie pour cela. Je sais bien que cela serait plus difficile avec deux, trois, voire quatre niveaux.)

• Intégrer les séances de travaux pratiques dans cette méthode, qui sont souvent plus directives.

• L’effectif des groupes classes : le travail en autonomie avec entraide génère davantage de bruit qu’un cours “classique”. Je préviens les élèves avec un xylophone quand le volume sonore est trop élevé. Dans certaines classes les élèves parviennent à respecter le code de travail en autonomie (code orange) et dans d’autre c’est plus difficile car certaines élèves ont du mal à se contenir. Certain·es élèves mettent parfois du temps à passer d’un code de travail à un autre.

• Le travail en autonomie demande davantage de temps qu’une progression plus cadrée. Pour compense, je gagne sur les traces écrites qui sont réduites (avec renvois vers le manuel) sous forme de schéma bilan. Je fournirai aussi cette année un calendrier de progression annuelle aux élèves pour les aider à voir le programme dans le temps.

• J’ai parfois du mal à rester serein lorsque des élèves “sabotent” l’ambiance de travail en faisant du bruit, des commentaires ou d’autres activités gênantes dans la classe. Dans ce cas il arrive que je sois affecté et que je m’énerve, parle fort avec un certain autoritarisme. Je n’ai pas réussi non plus à faire sans “punitions” (les mots clés du respect à recopier sous forme d’un poster’) ni “menaces” (de mot dans le carnet), et cela me désespère parfois, en particulier avec les classes dans lesquelles une ambiance négative s’installe (ce qui est heureusement rare). Mon objectif est de me dégager de l’affect dans ces circonstances et de rester simplement ferme.

• Et enfin, je travaille seul car mes collègues ne semblent pas partager le même intérêt ni la même sensibilité que moi pour ces méthodes. J’aimerai beaucoup travailler en équipe avec la même philosophie.


Si vous êtes intéressé·e par ce fonctionnement et cette démarche, et que vous enseignez en collège, n’hésitez pas à me contacter pour en discuter, ce sera avec plaisir.

Bonne rentrée !



Des mots clés qui m’importent : pédagogies coopératives, plan de travail, Sylvain Connac, Communication NonViolente, Déclic-CNV, Céline Alvarez, Marion Cuerq, Thierry Tournebise, bien-être, posture, relationnel, émotions, estime de soi, écoute, prendre soin, autonomie, liberté, assertivité.


Photographie : Tima Miroshnichenko, via pexels.com