Surnaturel


« C’est une seule et même chose qui relativement à Dieu est Sagesse éternelle, relativement à l’univers parfaite obéissance, relativement à notre amour beauté, relativement à notre intelligence équilibre de relations nécessaires, relativement à notre chair force brutale.(OC, VI-1, 105)




Pesanteur

« La nature charnelle de l’homme lui est commune avec l’animal. Les poules se précipitent à coups de bec sur une poule blessée. C’est un phénomène aussi mécanique que la pesanteur. » (AD5, 104)

« Leur âme aussi est matière, matière psychique, soumise à un mécanisme aussi rigoureux que celui de la pesanteur. Même leur croyance en leur propre libre arbitre, les illusions de leur orgueil, leurs défis, leurs révoltes, tout cela, ce sont simplement des phénomènes aussi rigoureusement déterminés que la réfraction de la lumière.»
(IPC, 162)

« Les phénomènes psychiques, comme les phénomènes physiques, sont des modifications dans la répartition et la qualité de l’énergie et sont déterminés par les lois de l’énergétique. »
(E2, 370)


La force n’est pas le seul principe à l’oeuvre dans l’univers

« Depuis deux ou trois siècles on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leurs relations mutuelles. C’est une absurdité criante. Il n’est pas concevable que tout dans l’univers soit absolument soumis à l’empire de la force et que l’homme puisse y être soustrait, alors qu’il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles.
Il n’y a qu’un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l’oeuvre dans l’univers, à côté de la force, un principe autre qu’elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse unique et souveraine des relations humaines aussi. »
(E2, 303-304)

« La force (...) est un mécanisme aveugle dont sortent au hasard, indifféremment, les effets justes ou injustes, mais par le jeu des probabilités, presque toujours injustes. (...)
Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l’est pas. Elle est réelle au fond du coeur des hommes. La structure du coeur humain est une réalité parmi les réalités de cet univers, au même titre que la trajectoire d’un astre. »
(E2, 307)

Seul choix de l’homme : désirer l’obéissance ou ne pas la désirer

« L’homme ne peut jamais sortir de l’obéissance à Dieu. Une créature ne peut pas ne pas obéir. Le seul choix offert à l’homme comme créature intelligente et libre, c’est de désirer l’obéissance ou de ne pas la désirer. S’il ne la désire pas, il obéit néanmoins perpétuellement, en tant que chose soumise à la nécessité mécanique. S’il la désire, il reste soumis à la nécessité mécanique, mais une nécessité nouvelle s’y surajoute, une nécessité constituée par les lois propres aux choses surnaturelles. Certaines actions lui deviennent impossibles, d’autres s’accomplissent à travers lui parfois presque malgré lui. »
(AD5, 113)

« Obéissance, il y en a deux. On peut obéir à la pesanteur, ou aux rapports des choses. Dans le premier cas, on fait ce à quoi pousse l’imagination combleuse de vide. On peut y mettre, et souvent avec vraisemblance, toutes les étiquettes, y compris le bien et Dieu. Si on suspend le travail de l’imagination combleuse et qu’on fixe l’attention sur le rapport des choses, une nécessité apparaît, à laquelle on ne peut pas ne pas obéir. »
(OE, VI-2, 200)

« Lecture. De même que dans un morceau de pain on lit une chose à manger, et on y va ; de même dans un tel ensemble de circonstances on lit une obligation ; et on y va. On va d’autant plus vite et plus droit que l’on a lu plus clairement. »
(OE, VI-2, 353)


L’obéissance de l’univers à Dieu

« Le mécanisme de la nécessité se transpose à tous les niveaux en restant semblable à lui-même, dans la matière brute, dans les plantes, dans les animaux, dans les peuples, dans les âmes. Regardé du point où nous sommes, selon notre perspective, il est tout à fait aveugle. Mais si nous transportons notre coeur hors de nous-mêmes, hors de l’univers, hors de l’espace et du temps, là où est notre Père, et si de là nous regardons ce mécanisme, il apparaît autre. Ce qui semblait la nécessité devient obéissance. La matière est entière passivité, et par suite entière obéissance à la volonté de Dieu. Elle est pour nous un parfait modèle. Il ne peut pas y avoir d’autre être que Dieu et ce qui obéit à Dieu. »
(AD5, 111-112)

« Dieu fait exister cet univers en consentant à ne pas y commander, bien qu’il en ait le pouvoir, mais à laisser régner à sa place, d’une part la nécessité mécanique attachée à la matière, y compris à la matière psychique de l’âme, d’autre part l’autonomie essentielle aux personnes pensantes. »
(AD5, 146)

« Quand nous tenons un journal à l’envers, nous voyons les formes étranges des caractères imprimés. Quand nous le mettons à l’endroit, nous ne voyons plus les caractères, nous voyons des mots. Le passager d’un bateau pris par une tempête sent chaque secousse comme un bouleversement dans ses entrailles. Le capitaine y saisit seulement la combinaison complexe du vent, du courant, de la houle avec la disposition du bateau, sa forme, sa voilure, son gouvernail.
Comme on apprend à lire, comme on apprend un métier, de même on apprend à sentir en toute chose, avant tout et presque uniquement l’obéissance de l’univers à Dieu. C’est vraiment un apprentissage. Comme tout apprentissage, il demande des efforts et du temps. »
(AD, 114-115)


Les mécanismes surnaturels

« Ne pas exercer tout le pouvoir dont on dispose, c’est supporter le vide. Cela est contraire à toutes les lois de la nature : la grâce seule le peut.
La grâce comble, mais elle ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir, et c’est elle qui fait ce vide. »
(PG5, 18)


« L’homme n’échappe aux lois de ce monde que la durée d’un éclair. Instants d’arrêt, de contemplation, d’intuition pure, de vide mental, d’acceptation du vide moral. C’est par ces instants qu’il est capable de surnaturel. »
(OE, VI-2, 201)

« Qui supporte un moment de vide, ou reçoit le pain surnaturel, ou tombe. Risque terrible, mais il faut le courir, et même un moment sans espérance. Mais il faut ne pas s’y jeter. »
(OE, VI-2, 201)

« Les mécanismes surnaturels sont au moins aussi rigoureux que la loi de la chute des corps ; mais les mécanismes naturels sont les conditions de la production des événement comme tels, sans égard à aucune considération de valeur ; et les mécanismes surnaturels sont les conditions de la production du bien pur comme tel. »
(E2, 332)


Complicité des parties surnaturelle et naturelle de l’âme

« Ce qui permet de contempler la nécessité et de l’aimer, c’est la beauté du monde. Sans la beauté ce ne serait pas possible. Car bien que le consentement soit la fonction propre de la partie surnaturelle de l’âme, il ne peut pas en fait s’opérer sans une certaine complicité de la partie naturelle de l’âme et même du corps. La plénitude de cette complicité, c’est la plénitude de la joie. »
(IPC, 157)


« Nous sommes régis par une double loi, une indifférence et une mystérieuse complicité de la matière qui constitue le monde à l’égard du bien ; le rappel de cette double loi est ce qui nous atteint au coeur dans le spectacle du beau. »
(S, 133)